La visite que nous vous proposons est le fruit de plusieurs
mois passés à arpenter le château, de rencontres heureuses avec des
passionnés, et de "quelques" heures de lecture; les ouvrages (du 19e
siècle à nos jours) consacrés à cette forteresse sont nombreux. Il n’est
pas question ici d’en faire une analyse exhaustive ni une synthèse
scientifique. Il s’agit au mieux de sensibiliser le visiteur au fait que
de simples ruines, à priori, permettent de comprendre l’organisation
médiévale d’un espace castral. En outre, tout n’est pas ruiné ici:
certaines salles sont quasi intactes. De plus, les seigneurs de
Lavardin, comtes puis ducs de Vendôme, vont le temps aidant se
rapprocher des rois de France, ce qui ne sera pas sans conséquences pour
le château; c’est donc aussi d’Histoire de la France qu’il s’agira au
cours de cette visite.
Celle-ci permet de découvrir une grande partie du château, mais pas
son intégralité. Il serait sans doute trop long et rébarbatif de le
parcourir dans ses moindres détails. De même, nos commentaires sont
limités à ce qui nous semble être nécessaire pour renseigner un public à
la fois néophyte et averti.
Le style de cette visite est informel: nous ne sommes pas
savants et nos mots ne le sont pas davantage; nous sommes seulement
désireux de faire partager notre curiosité quant à cet endroit
passionnant en espérant que vous serez bientôt à votre tour sur le
terrain. Car c’est bien sûr in situ que vous pourrez mieux comprendre
les commentaires de vos guides (le château est ouvert au public de juin à
septembre)*.
Pour autant, le texte de cette visite est protégé par les droits du
copyright et déposé auprès d’un organisme agréé. Vous avez tout loisir
de l’utiliser et le reproduire à des fins personnelles, mais il ne
doit en aucun cas servir à des fins commerciales.
Nous tenons à remercier particulièrement Jean-Claude Yvard et Patricia Vittet sans qui cette visite n’aurait pas lieu d’être. Tous ceux qui ont eu la chance de connaître Jean-Claude Yvard, aujourd’hui décédé, savent combien son exigence scientifique a permis d’éclairer les mystères du château de Lavardin. Quant à Patricia Vittet, c’est à elle que nous devons l’organisation de cette visite : guide du château en son temps, elle fut - bien que néophyte mais au prix d’un travail méticuleux - la première à concevoir un parcours initiatique des ruines du château.
Jean Vergnet de Laborie & Louis Boucheny de Grandval
* Pour connaître les dates et heures d’ouverture, contactez la mairie de Lavardin : 02 54 85 07 74
L’histoire de la seigneurie de Lavardin débute dans la seconde moitié du Xe siècle, le château n’existait pas encore. Elle appartenait aux comtes de Vendôme qui avaient de nombreux fiefs dans la région (Montoire, entre autres) dont ils confiaient l’administration à des intendants forestiers, car ici s’étendait la forêt de Gâtines que l’on commence à exploiter à partir de l’an 1000.
L’intendant forestier Salomon Ier s’autoproclame seigneur de
Lavardin en 1030; on lui attribue le blason aux trois fleurs de lys que
l’on voit sur le plan. Salomon Ier construit une première tour en bois
sur une motte de terre artificielle, une motte féodale, qui était située
derrière le donjon actuel (au village de Trôo, ce qu’on appelle
communément « la butte » est un bel exemple de motte féodale).
Salomon Ier et sa descendance vont régner sur les lieux dans une
relative indépendance jusqu’en 1130 (donc environ une centaine
d’années).
Succèdent à Salomon Ier, Hervé de Beaugency, Salomon II et
Aimeric Gaymar qui vend la seigneurie de Lavardin en 1130 à Mathilde de
Chateaudun, l’épouse du comte de Vendôme de l’époque, Geoffroy III;
ainsi, le château réintègre le patrimoine des comtes de Vendôme et ce
jusqu’à son démantèlement en 1590 sous le règne de Henri IV.
Le château, puisque entre temps un château a été construit.
En
effet, on attribue à Hervé de Beaugency, au XIe siècle, la construction
d’un logis-salle rectangulaire: un domicilium, l’ébauche du donjon
roman du château (nous verrons les traces de ce domicilium lorsque nous
serons dans le donjon).
Au XIIe siècle, deux tourelles-contrefort
sont adjointes au domicilium; on peut dès lors affirmer qu’un véritable
château fort est né.
A - Qui dit château fort,
dit enceintes :
1) La première enceinte (en bleu sur le plan) a entièrement
disparu si ce n’est un appareil en pierre que l’on peut apercevoir en
contrebas, sur la gauche, quand on franchit la passerelle menant au
châtelet (l’entrée du château).[1]
2) L’emplacement de la deuxième enceinte (en rouge sur le plan),
séparée de la première par l’épaisseur d’une tour, est encore en partie
visible: lorsqu’on se trouve au point A et que l’on regarde le
châtelet, on y voit distinctement l’épaisseur des ruines d’une muraille
aller vers la tour ruinée du XIIe siècle (TR1). Puis, avec un peu
d’imagination, on peut envisager la suite de cette muraille courant de
tour en tour jusqu’aux ruines de la tour (TR3) se trouvant juste
derrière l’emplacement A.
3) La troisième enceinte (en vert sur le plan), construite, elle, au
XIIIe siècle est la chemise du donjon. Nous la commenterons plus tard
lorsque nous serons au pied du donjon.
Du châtelet à l’entrée des
souterrains
Quelques mots sur l’habitat domestique.
La basse-cour était synonyme d’activités domestiques. De nombreux
édifices, pour la plupart en bois, abritaient ces activités. Ils étaient
appuyés soit à la deuxième enceinte soit aux murs qui ceignent le
deuxième palier. Ces constructions en bois ont disparu depuis longtemps,
mais les traces multiples de solives dans la pierre au niveau de la
basse-cour attestent de leur existence passée. Seules quelques pièces
troglodytiques creusées dans le tuffeau, comme les cuisines et le
chenil, ou des aménagements souterrains ont résisté à l’épreuve du
temps.
C’est à ces derniers que nous allons maintenant nous intéresser.
Mais
avant de pénétrer dans les souterrains, remarquez sur votre gauche ces
quelques marches, très larges: le début d’un escalier qui passait à
l’intérieur ou l’extérieur d’une tour ruinée et permettait d’accéder
directement au deuxième palier près de l’escalier d’honneur. Quand on
était quelqu’un d’important (le roi Charles VII et Agnès Sorel sont
venus au château en 1448), on passait très peu de temps dans la
basse-cour et l’on pouvait ainsi accéder rapidement aux logis situés au
deuxième palier puis au donjon au troisième.
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B à C -
Les souterrains
Deux ouvertures permettent d’y pénétrer: à droite, sous un arc
en plein cintre, la porte romane originelle (XIIe siècle). À gauche, une
ouverture récente créée par une association de rénovation pour évacuer
des gravats.
Dans les souterrains
- Premier arrêt, à gauche, devant « la citerne » qui
est en fait un puits (on peut s’approcher, c’est protégé) aujourd’hui
tari et qui communique avec les logis du deuxième palier (eau et gaz à
tous les étages !). On y voit la trace de la corde qui a usé la
pierre.
- Juste après sur votre droite, un trou conséquent: un silo à
grains ventilé sur les côtés, ce qui permettait d’éviter les....
explosions !
Deux salles se présentent maintenant au visiteur:
1) Celle de
gauche comporte deux niveaux. Ses ouvertures donnent sur le châtelet.
L’hypothèse la plus vraisemblable est que cette salle fût un corps de
garde, logique vue sa situation: les gardes étaient proches de l’entrée
du château et veillaient à l’eau (la citerne) et au grain (le silo),
vitaux à cette époque en cas de siège. Cette salle a été creusée dans le
tuffeau (la roche calcaire de la région), mais la présence d’arcs
romans au second niveau (près de la cheminée) prouve qu’elle a subi des
remaniements.
Si le cœur vous en dit, jetez un coup d’œil dans la cheminée sans
manteau; vous y verrez son conduit creusé dans la roche. Nous le
retrouverons plus haut lorsque nous serons au deuxième palier, dans les
logis des chevaliers.
Quant au conduit qui s’élève à côté de la
porte, il s’agirait des vestiges d’un four.
2) La salle contiguë, en forme de L
Plusieurs hypothèses quant
à cette salle: on y a retrouvé un crâne de cheval, elle aurait donc pu
servir d’écurie, mais on peut en douter vu la faible hauteur de
l’ouverture par laquelle on pénètre dans les souterrains. D’autres
pencheraient plus pour un grand cellier, un magasin à vivres. Enfin,
troisième hypothèse, une salle d’armes...
Le tout datant du XIIIe siècle. L’hypothèse la plus vraisemblable
est que cette salle fût le cellier du château surveillé par les gardes
qui se trouvaient dans le corps de garde que nous venons de visiter.
Ceux qui pénètreront jusqu’au fond de cette salle remarqueront
peut-être un accès éboulé vers le niveau supérieur. Ce sont les restes
d’un escalier menant à la chapelle du château (nous retrouverons cet
accès mystérieux lorsque nous serons dans la chapelle).
On poursuit dans le couloir souterrain.
Un peu plus loin sur la gauche, on distingue les premières marches d’un escalier qui s’évanouit dans l’obscurité. Cet escalier, entièrement creusé dans le rocher, est le plus vieux du château. Il conduit à une salle que l’on retrouvera au deuxième palier (on verra son importance stratégique).
C - La chapelle castrale
Après avoir traversé le château en diagonale dans toute
sa largeur, nous débouchons sur un palier intermédiaire - nous ne sommes
pas encore au deuxième palier.
Cette chapelle était entièrement peinte et sur le mur
ouest, on peut encore apercevoir les toutes dernières traces de ces
peintures: des joints peints en noir délimitent de fausses pierres
peintes en ocre jaune. Si vous allez dans l’église Saint-Genest, vous
pourrez voir des fresques qui vous montreront mieux à quoi ressemblait
le décor des édifices religieux de l’époque.
Derrière la grille que l’on voit dans le renfoncement de la
crypte, se trouvait un escalier, aujourd’hui ruiné, qui descendait dans
le magasin à vivres que l’on a visité précédemment. Cette communication
entre la chapelle et le cellier reste inexpliquée: il ne paraît pas très
logique de passer d’une chapelle à un magasin à vivres, mais on voit à
travers les différences de constructions (cf. un arc en plein cintre)
que l’endroit a été remanié. Peut-être allait-on directement y chercher
le vin de messe...
Enfin, avant de quitter la chapelle, on peut porter son regard en contrebas et envisager l’espace qu’occupait la cour des cuisines; ces dernières, creusées dans le rocher, renfermaient de nombreux objets (notamment de la vaisselle) dont certains ont été retrouvés; ils sont exposés au musée de Vendôme.
On gravit quelques marches pour sortir de la chapelle et atteindre le deuxième palier.
cuisines et tour du capitaine vues de la crypte
à l'arrière plan, clocher de l'église Saint-Genest en contrebas
[1] Au sud, il est possible que cette première enceinte se soit trouvée au-delà des douves, sur le coteau.
[2] À l'époque romane, la herse n’était pas en fer mais en bois.
[3] Certainement pas de l’huile bouillante. C'est le mythe romantique du château fort qui a forgé ce genre d'images caricaturales dans l'imaginaire collectif.
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