Nous sommes maintenant au deuxième palier, dans les vieux logis.
Ces logis étaient les appartements des chevaliers. Ils sont difficiles à
reconstituer vu qu’il n’en reste pas grand-chose (on expliquera dans la
tour du Capitaine pourquoi ils sont dans cet état). Malgré tout, on
peut grâce au mur qui est devant nous déterminer, comme leur nom
l’indique, qu'ils furent bâtis, il y a fort longtemps:
- au milieu du
mur, un arc en plein cintre roman, XIIe siècle, surmonte une ouverture
obturée (a)
- à l’extrême droite du mur, en hauteur, on peut
remarquer une pierre en saillie: les vestiges d’une cheminée (b). Les
mortiers de son conduit ont été également datés du XIIe siècle.
Ces vieux logis ont été remaniés, comme tout le reste du château, du
XIIe au XVe siècle et l’on empruntera bientôt un escalier bâti au
milieu de ces appartements à la toute fin du XVe siècle: l’escalier
d’honneur.
Enfin, à propos de la rainure horizontale et des rainures verticales
visibles sur ce mur: ils correspondent à la ferme des combles
surplombant ces logis.
On quitte les vieux logis, on traverse un espace - sans doute une cour intérieure - pour rejoindre la tour du Capitaine. À l’intérieur de cette cour, on a retrouvé des pièces de céramique (des carreaux), également exposées au musée de Vendôme.
D - La tour du CapitaineMaintenant, essayons d’imaginer à quoi ressemblait cette tour
avant qu’elle ne soit détruite.
Les restes d’une cheminée aux
piédroits moulurés (XIVe siècle), en hauteur, prouvent que cette tour
avait au moins deux niveaux: une salle basse (un bureau de travail),
surmontée d'un logis à l’étage.
De sa tour, le capitaine pouvait surveiller la vallée, mais aussi la
basse-cour où officiaient les domestiques.
Le capitaine ne se
déplaçait que s’il en avait l’obligation; lorsqu’il avait des consignes à
donner, il s’adressait à des gardes qui transmettaient ses ordres. Ces
hommes se trouvaient dans une pièce adjacente à sa salle de travail.
S'il avait besoin de se déplacer en personne, il pouvait descendre
côté châtelet par un escalier vraisemblablement en pierre, et de l’autre
côté (côté nord) par un escalier en bois menant directement aux
cuisines; on voit les traces des poutres qui soutenaient cet escalier
dans la tour rectangulaire percée de meurtrières accolée à celle du
Capitaine.
Dans la salle de garde adjacente, remarquez au sol, des vestiges de conduits en pierre: des conduits d’évacuation et d’adduction d’eau, prémices au XIVe siècle de la naissance du confort moderne. On évacuait les eaux usées, mais on pouvait également avoir de l’eau claire. Rappelez-vous la « citerne » à l’entrée des souterrains (au 1er palier), un puits qui permettait également de tirer l’eau du deuxième palier. L’endroit d’où on la tirait se trouve au bas d’un mur ruiné des vieux logis (voir plus loin, paragraphe E) et l’on peut tout à fait envisager qu’il était possible de la faire descendre jusqu’à la salle du capitaine puisque située en contrebas de cet endroit de puisage.
Salle de garde adjacente à la tour du Capitaine (détail)nnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnnn
D
vers E – De la Tour du Capitaine vers l’escalier
d’honneur
On peut apercevoir dans la trouée des arbres le château de
Montoire et plus loin le village de Trôo et sa collégiale: les ennemis
d’un temps.
En effet, rappelez-vous, Salomon Ier, l’intendant forestier qui
s’était autoproclamé seigneur de Lavardin en 1030. À la même époque,
l’intendant forestier de Montoire, Nihard, s’était lui aussi proclamé
seigneur de Montoire et ces deux seigneurs n’ont eu de cesse de
guerroyer entre eux. Leur rivalité a cessé au début du XIIe siècle
lorsque les comtes de Vendôme (seigneurs de Lavardin) ont réintégré le
fief de Montoire dans leur comté. Mais entre temps, un nouvel ennemi
s’était dressé contre eux: le comte d’Anjou, un Plantagenêt, bref, un
Anglais !
En 1188, le seigneur de Trôo n’est rien moins que Richard Cœur de
Lion, le futur roi d'Angleterre, et le siège qu’il opère à Lavardin
échoue. Ceci laisse à penser que le château devait déjà être une
forteresse imposante au XIIe siècle; ses ruines, s’étalant aujourd’hui
sur trois hectares, l’attestent.
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Petite
note historique:
La rénovation gothique du château s’étale sur une centaine
d’années, de la fin du XIVe siècle (1372) à la fin du XVe siècle (1477).
Trois comtes de Vendôme correspondent à cette période: Jean VII, Louis
Ier et Jean VIII, conseiller du roi Charles VII.
On a longtemps attribué à Jean VIII, comte de Vendôme à partir de
1446, la construction de cet escalier. C’est la dernière campagne de
travaux du château. Le blason surmontant la porte est certes effacé,
mais le style gothique flamboyant de celle-ci (2e moitié du XVe siècle)
coïncide bien avec le règne de Jean VIII. On peut donc lui attribuer
l’entrée de cet escalier. En revanche, l’escalier en lui-même pose un
sérieux problème d’attribution. Mais de cela, on reparlera dans un
instant après avoir au préalable visité une salle importante se trouvant
sous l’escalier d’honneur.
Avant d’y pénétrer, observez l’ouverture rectangulaire au-dessus de
la porte. Elle donne sur un couloir à l’intérieur des murs: un chemin
de ronde.
La salle voûtée au pilier
octogonal
Pour aller dans cette salle, on emprunte un court couloir. À
sa droite, une ouverture permet d'entrevoir quelques marches dans
l'obscurité: c’est l’arrivée du vieil escalier en tuffeau dont nous
avions vu les premières marches dans le couloir souterrain du premier
palier.
Cette salle gothique du XIVe siècle, soutenue en son centre par
un pilier octogonal, est la pièce la mieux conservée du château: elle
est intacte. C’est une salle de garde où les chevaliers se réunissaient.
Si elle est dépourvue de cheminée - ils n’y passaient sans doute peu de
temps - elle n’en est pas moins flanquée d’une banquette dans son mur
nord; quand la fatigue gagnait son homme, il fallait bien s’asseoir.
Cette salle est au centre absolu du château. De celle-ci, on
pouvait rapidement gagner le reste du château, notamment grâce à
l’escalier souterrain conduisant directement au palier inférieur. Elle
communiquait au nord et au sud avec les vieux logis grâce à ses deux
ouvertures donnant de part et d’autre sur les appartements des
chevaliers et permettait de monter au donjon par l’escalier d’honneur,
tout proche.
Enfin, remarquez sous vos pieds une maçonnerie en léger dos d’âne
traversant la salle : c’est la voûte d’un couloir souterrain
permettant d’aller d’un côté à l’autre des sous-sols des logis.
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En effet, le dernier comte de Vendôme ayant vécu au château est
Jean VIII de Bourbon. Il meurt en 1477. Cet escalier lui est assurément
postérieur puisque d’un style pré-renaissance datant de la toute fin du
XVe siècle, voire du début du XVIe. Alors, à qui attribuer cet escalier ?
Son fils, François de Bourbon n’avait que sept ans à sa mort. Il mourra
lui-même à vingt cinq ans en 1495.
C’est peut-être à l’épouse de François, Marie de Luxembourg, qu’il
faut l’attribuer puisqu’elle administra le comté de Vendôme jusqu’en
1514, l’année de la majorité de leur fils aîné Charles Ier, premier duc
de Vendôme. Marie de Luxembourg fut une comtesse importante: c’est elle
qui a notamment contribué à une partie des travaux de l’église de la
Trinité à Vendôme.
Quoi qu’il en soit, remarquez la niche aux trois masques destinée
à recevoir une lampe à huile dont la fumée s’échappait par les bouches
des masques. Cette lampe éclairait l’escalier et notamment les clefs de
voûtes ornant chacune de ses travées.
Nous les commentons de bas en haut de l’escalier.
- La première clef est une rosacée surmontée d’un personnage
grimaçant[2].
- Ce dernier regarde vers la clef de voûte de la deuxième travée,
un blason. Sur celui-ci, on distingue encore deux fleurs de lys barrées
par une bande en travers. Une troisième fleur de lys sur la pointe du
blason est manquante. C’est le blason des Bourbon-Vendôme, mais lequel ?
Le premier Bourbon-Vendôme est certes Jean VIII, mais on a vu que cet
escalier ne correspond pas à son règne.
- Si le blason ornant la
troisième clef de voûte n’avait pas été effacé par les intempéries, on
pourrait peut-être répondre à cette question; en effet, la coutume
voulait que ce blason soit celui de l’épouse du seigneur ordonnant la
construction de ce genre d’ouvrage. Ainsi, par correspondance entre le
blason de l'épouse et celui du mari, on pourrait attribuer précisément
l’escalier.
Conclusion : on peut attribuer à Jean VIII l’initiative de l’escalier, notamment grâce à sa porte, mais certainement pas sa réalisation définitive. Une chose est sûre: lorsque Jean VIII reçut à Lavardin Charles VII en 1448 pour y signer une trêve avec les Anglais (peu avant la fin de la guerre de Cent Ans en 1453), le roi n’a pu emprunter cet escalier, du moins sous sa forme actuelle; il y avait probablement à l’époque un autre escalier plus ancien que celui que l’on peut voir aujourd’hui.
On a gravi l’escalier et l'on se retrouve sur un palier intermédiaire le prolongeant.
Et maintenant, sport et culture ! Une petite ascension pour atteindre le troisième palier et voir de plus près à quoi ressemblait l’habitat seigneurial.
[1] Note
historique : Avant de devenir roi de France sous le nom de Henri IV
(à la mort de Henri III en 1589) , Henri Ier de Bourbon est duc de
Vendôme depuis 1562 (par son père Antoine de Bourbon) et roi de Navarre
(à la mort de sa mère en 1572).
Il fait assiéger son propre château investi par la Ligue
catholique refusant de le reconnaître roi parce que protestant.
[2] On retrouve des éléments similaires dans des escaliers pré-renaissance de la proche région. À Bonneveau, une niche à trois masques. À Couture, au manoir de la Possonnière, maison natale de Ronsard, une rosacée.
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