Le château de Lavardin
le deuxième palier

C vers D - Des vieux logis à la tour du Capitaine
Après avoir gravi l'escalier pour sortir de la chapelle, on débouche au 2ème palier dans les sous-sols des vieux logis (photo de gauche). Si l'on franchit quelques marches vers la gauche, on peut s'arrêter et observer le mur derrière lequel se trouve l’escalier d’honneur (photo de droite).
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Nous sommes maintenant au deuxième palier, dans les vieux logis. Ces logis étaient les appartements des chevaliers. Ils sont difficiles à reconstituer vu qu’il n’en reste pas grand-chose (on expliquera dans la tour du Capitaine pourquoi ils sont dans cet état). Malgré tout, on peut grâce au mur qui est devant nous déterminer, comme leur nom l’indique, qu'ils furent bâtis, il y a fort longtemps:
- au milieu du mur, un arc en plein cintre roman, XIIe siècle, surmonte une ouverture obturée (a)
- à l’extrême droite du mur, en hauteur, on peut remarquer une pierre en saillie: les vestiges d’une cheminée (b). Les mortiers de son conduit ont été également datés du XIIe siècle.
Ces vieux logis ont été remaniés, comme tout le reste du château, du XIIe au XVe siècle et l’on empruntera bientôt un escalier bâti au milieu de ces appartements à la toute fin du XVe siècle: l’escalier d’honneur.
Enfin, à propos de la rainure horizontale et des rainures verticales visibles sur ce mur: ils correspondent à la ferme des combles surplombant ces logis.

On quitte les vieux logis, on traverse un espace - sans doute une cour intérieure - pour rejoindre la tour du Capitaine. À l’intérieur de cette cour, on a retrouvé des pièces de céramique (des carreaux), également exposées au musée de Vendôme.

D - La tour du Capitaine
Cette tour, mise vraisemblablement en place dès le XIIe siècle, est un endroit stratégique: c’est la tour du capitaine-châtelain, le commandant de la forteresse.
Le seigneur n’est pas toujours présent au château; il a d’autres fiefs à visiter. De plus, les comtes de Vendôme vont, le temps aidant, se rapprocher des rois de France (Charles VI et VII, aux XIVe et XVe siècles) et donc se rendre souvent à Paris puis à Bourges. C’est donc au capitaine que revient la charge du château en leur absence.
Le capitaine est non seulement un haut chevalier qui dirige la garnison, mais aussi celui qui veille sur l’activité domestique de la seigneurie; l’exploitation du bois de la forêt de Gâtines est certes une source de revenus non négligeables, mais la taxe que l’on impose aux voyageurs circulant sur la route des Reclusages longeant le Loir l’est tout autant; cette petite route aujourd’hui tranquille, était à l’époque un axe fréquenté. Pour contrôler son passage, on avait établi des « barrières » (d’où le nom de la rue principale de Lavardin); du point A où nous avons débuté notre visite (au premier palier) ainsi que de la chemise du donjon, descendaient jusqu’au Loir des murailles qui délimitaient la baille extérieure du château et barraient la route des Reclusages.

L’état ruiné de la tour du Capitaine n’est pas l’œuvre du temps, mais bien d’une réelle volonté de la détruire.
En 1590, le roi de France, Henri IV, fait assiéger le château[1]. Les Huguenots (protestants) installent un canon dans le clocher de l’église Saint-Genest en contrebas et tirent sur le château pendant les trois semaines que dure le siège. La tour du Capitaine, se trouvant en première ligne, subit des dommages plus qu’importants ainsi que les vieux logis situés derrière la tour (on a retrouvé des boulets de canon sur ce palier). À noter que les assiégés répliquent et que le clocher en pierre de l’église disparaît lui aussi dans la bataille; ce qui explique la couverture en tuile de ce dernier depuis.

Maintenant, essayons d’imaginer à quoi ressemblait cette tour avant qu’elle ne soit détruite.
Les restes d’une cheminée aux piédroits moulurés (XIVe siècle), en hauteur, prouvent que cette tour avait au moins deux niveaux: une salle basse (un bureau de travail), surmontée d'un logis à l’étage.
De sa tour, le capitaine pouvait surveiller la vallée, mais aussi la basse-cour où officiaient les domestiques.
Le capitaine ne se déplaçait que s’il en avait l’obligation; lorsqu’il avait des consignes à donner, il s’adressait à des gardes qui transmettaient ses ordres. Ces hommes se trouvaient dans une pièce adjacente à sa salle de travail.
S'il avait besoin de se déplacer en personne, il pouvait descendre côté châtelet par un escalier vraisemblablement en pierre, et de l’autre côté (côté nord) par un escalier en bois menant directement aux cuisines; on voit les traces des poutres qui soutenaient cet escalier dans la tour rectangulaire percée de meurtrières accolée à celle du Capitaine.

Dans la salle de garde adjacente, remarquez au sol, des vestiges de conduits en pierre: des conduits d’évacuation et d’adduction d’eau, prémices au XIVe siècle de la naissance du confort moderne. On évacuait les eaux usées, mais on pouvait également avoir de l’eau claire. Rappelez-vous la « citerne » à l’entrée des souterrains (au 1er palier), un puits qui permettait également de tirer l’eau du deuxième palier. L’endroit d’où on la tirait se trouve au bas d’un mur ruiné des vieux logis (voir plus loin, paragraphe E) et l’on peut tout à fait envisager qu’il était possible de la faire descendre jusqu’à la salle du capitaine puisque située en contrebas de cet endroit de puisage.

Salle de garde adjacente à la tour du Capitaine (détail)
- au 1er plan, conduits d'adduction (couvert) et d'évacuation des eaux
- au 2nd plan, banc en pierre

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D vers E – De la Tour du Capitaine vers l’escalier d’honneur
On peut apercevoir dans la trouée des arbres le château de Montoire et plus loin le village de Trôo et sa collégiale: les ennemis d’un temps.
En effet, rappelez-vous, Salomon Ier, l’intendant forestier qui s’était autoproclamé seigneur de Lavardin en 1030. À la même époque, l’intendant forestier de Montoire, Nihard, s’était lui aussi proclamé seigneur de Montoire et ces deux seigneurs n’ont eu de cesse de guerroyer entre eux. Leur rivalité a cessé au début du XIIe siècle lorsque les comtes de Vendôme (seigneurs de Lavardin) ont réintégré le fief de Montoire dans leur comté. Mais entre temps, un nouvel ennemi s’était dressé contre eux: le comte d’Anjou, un Plantagenêt, bref, un Anglais !
En 1188, le seigneur de Trôo n’est rien moins que Richard Cœur de Lion, le futur roi d'Angleterre, et le siège qu’il opère à Lavardin échoue. Ceci laisse à penser que le château devait déjà être une forteresse imposante au XIIe siècle; ses ruines, s’étalant aujourd’hui sur trois hectares, l’attestent.

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E - L’escalier d’honneur et la salle voûtée, (préambule)
Nous sommes devant la porte de l’escalier.
Si le palier est tondu, on peut apercevoir, au sol, des ouvertures grillagées sur la gauche de l’escalier: elles sont le prolongement des conduits provenant du premier palier (citerne, silo, four et cheminée de la salle de garde des souterrains). L'ouverture correspondant à la citerne se trouve devant un mur ruiné (cf. le commentaire sur l’adduction d’eau dans la tour du Capitaine).
À propos de ce mur ruiné (une rambarde en fer y est accolée), rappelez-vous les belles marches situées à gauche de l’entrée des souterrains du premier palier. Ces marches sont le début d’un escalier réservé aux gens importants. 1l débouchait à côté de ce mur ruiné. À sa suite, on empruntait l’escalier d’honneur pour monter vers le donjon.

Petite note historique:
La rénovation gothique du château s’étale sur une centaine d’années, de la fin du XIVe siècle (1372) à la fin du XVe siècle (1477). Trois comtes de Vendôme correspondent à cette période: Jean VII, Louis Ier et Jean VIII, conseiller du roi Charles VII.
On a longtemps attribué à Jean VIII, comte de Vendôme à partir de 1446, la construction de cet escalier. C’est la dernière campagne de travaux du château. Le blason surmontant la porte est certes effacé, mais le style gothique flamboyant de celle-ci (2e moitié du XVe siècle) coïncide bien avec le règne de Jean VIII. On peut donc lui attribuer l’entrée de cet escalier. En revanche, l’escalier en lui-même pose un sérieux problème d’attribution. Mais de cela, on reparlera dans un instant après avoir au préalable visité une salle importante se trouvant sous l’escalier d’honneur.
Avant d’y pénétrer, observez l’ouverture rectangulaire au-dessus de la porte. Elle donne sur un couloir à l’intérieur des murs: un chemin de ronde.

La salle voûtée au pilier octogonal
Pour aller dans cette salle, on emprunte un court couloir. À sa droite, une ouverture permet d'entrevoir quelques marches dans l'obscurité: c’est l’arrivée du vieil escalier en tuffeau dont nous avions vu les premières marches dans le couloir souterrain du premier palier.

Cette salle gothique du XIVe siècle, soutenue en son centre par un pilier octogonal, est la pièce la mieux conservée du château: elle est intacte. C’est une salle de garde où les chevaliers se réunissaient. Si elle est dépourvue de cheminée - ils n’y passaient sans doute peu de temps - elle n’en est pas moins flanquée d’une banquette dans son mur nord; quand la fatigue gagnait son homme, il fallait bien s’asseoir.
Cette salle est au centre absolu du château. De celle-ci, on pouvait rapidement gagner le reste du château, notamment grâce à l’escalier souterrain conduisant directement au palier inférieur. Elle communiquait au nord et au sud avec les vieux logis grâce à ses deux ouvertures donnant de part et d’autre sur les appartements des chevaliers et permettait de monter au donjon par l’escalier d’honneur, tout proche.
Enfin, remarquez sous vos pieds une maçonnerie en léger dos d’âne traversant la salle : c’est la voûte d’un couloir souterrain permettant d’aller d’un côté à l’autre des sous-sols des logis.

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L’escalier d’honneur
Cette magnifique construction pré-renaissance – au demeurant, une prouesse architecturale intégrant cet ouvrage au sein des vieux logis existants – pose, comme nous l’avons annoncé, un problème d’attribution: qui a fait construire cet escalier voûté d’arcs prismatiques angevins ?

En effet, le dernier comte de Vendôme ayant vécu au château est Jean VIII de Bourbon. Il meurt en 1477. Cet escalier lui est assurément postérieur puisque d’un style pré-renaissance datant de la toute fin du XVe siècle, voire du début du XVIe. Alors, à qui attribuer cet escalier ? Son fils, François de Bourbon n’avait que sept ans à sa mort. Il mourra lui-même à vingt cinq ans en 1495.
C’est peut-être à l’épouse de François, Marie de Luxembourg, qu’il faut l’attribuer puisqu’elle administra le comté de Vendôme jusqu’en 1514, l’année de la majorité de leur fils aîné Charles Ier, premier duc de Vendôme. Marie de Luxembourg fut une comtesse importante: c’est elle qui a notamment contribué à une partie des travaux de l’église de la Trinité à Vendôme.

Quoi qu’il en soit, remarquez la niche aux trois masques destinée à recevoir une lampe à huile dont la fumée s’échappait par les bouches des masques. Cette lampe éclairait l’escalier et notamment les clefs de voûtes ornant chacune de ses travées.
Nous les commentons de bas en haut de l’escalier.
- La première clef est une rosacée surmontée d’un personnage grimaçant[2].
- Ce dernier regarde vers la clef de voûte de la deuxième travée, un blason. Sur celui-ci, on distingue encore deux fleurs de lys barrées par une bande en travers. Une troisième fleur de lys sur la pointe du blason est manquante. C’est le blason des Bourbon-Vendôme, mais lequel ? Le premier Bourbon-Vendôme est certes Jean VIII, mais on a vu que cet escalier ne correspond pas à son règne.
- Si le blason ornant la troisième clef de voûte n’avait pas été effacé par les intempéries, on pourrait peut-être répondre à cette question; en effet, la coutume voulait que ce blason soit celui de l’épouse du seigneur ordonnant la construction de ce genre d’ouvrage. Ainsi, par correspondance entre le blason de l'épouse et celui du mari, on pourrait attribuer précisément l’escalier.

Conclusion : on peut attribuer à Jean VIII l’initiative de l’escalier, notamment grâce à sa porte, mais certainement pas sa réalisation définitive. Une chose est sûre: lorsque Jean VIII reçut à Lavardin Charles VII en 1448 pour y signer une trêve avec les Anglais (peu avant la fin de la guerre de Cent Ans en 1453), le roi n’a pu emprunter cet escalier, du moins sous sa forme actuelle; il y avait probablement à l’époque un autre escalier plus ancien que celui que l’on peut voir aujourd’hui.

On a gravi l’escalier et l'on se retrouve sur un palier intermédiaire le prolongeant.

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Le mystère s’épaissit encore quant à la suite de l’escalier d'honneur vers le donjon. S’offrent à nos yeux, les trois travées de voûte intactes que nous venons de commenter puis les départs d’une quatrième et d’une cinquième travées donnant sur une porte surbaissée derrière laquelle se trouve une vis qui débouche au-dessus de nos têtes. Mais de là jusqu’à la chemise du donjon, nous ne savons rien - il n’existe ni texte ni reproduction - et nous ne pouvons qu’émettre des hypothèses quant à une éventuelle construction aérienne en bois ou en pierre (cf. la reproduction de la maquette visible à la cabane d’accueil).
Si cet escalier-passerelle fut construit avec des pierres d’aussi belle facture que celles de l’escalier d’honneur, il y a fort à parier qu’elles furent récupérées par les habitants du village après le démantèlement du château pour construire les magnifiques maisons renaissance de Lavardin; la chose était courante que de se servir des ruines d’un château médiéval comme matériaux de construction.
La seule chose dont on soit sûr est que l’on pouvait accéder au pied du donjon par un passage souterrain, l’accès originel du XIIe siècle. L’entrée de ce souterrain est encore parfaitement visible, une porte romane en plein cintre. On l'aperçoit dans un renfoncement du coteau de l'autre côté du palier, face à l'escalier d'honneur. Ce souterrain est aujourd’hui condamné pour des raisons de sécurité, mais on n’imagine mal, au XVIe siècle, que l’ascension vers le donjon commençât dans l’élégance d’un escalier d’honneur pour finir par un vieux souterrain...

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Une dernière chose, avant de grimper au troisième palier: la chemise du donjon.
C’est la troisième enceinte - mentionnée au début de la visite - qui protégeait le donjon. Si les deux premières enceintes ont été bâties au XIIe siècle, celle-ci ne l’a été qu’au XIIIe. Il en reste encore deux vestiges importants. Dans celui de gauche, on aperçoit un arc dans l’épaisseur de la muraille: la voûte du chemin de ronde qui courait à l’intérieur de la chemise. Cette enceinte était beaucoup plus haute que ses ruines actuelles: elle s’élevait sans doute jusqu’au deuxième étage du donjon.

Et maintenant, sport et culture ! Une petite ascension pour atteindre le troisième palier et voir de plus près à quoi ressemblait l’habitat seigneurial.

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suite de la visite : le 3ème palier


[1] Note historique : Avant de devenir roi de France sous le nom de Henri IV (à la mort de Henri III en 1589) , Henri Ier de Bourbon est duc de Vendôme depuis 1562 (par son père Antoine de Bourbon) et roi de Navarre (à la mort de sa mère en 1572).
Il fait assiéger son propre château investi par la Ligue catholique refusant de le reconnaître roi parce que protestant.

[2] On retrouve des éléments similaires dans des escaliers pré-renaissance de la proche région. À Bonneveau, une niche à trois masques. À Couture, au manoir de la Possonnière, maison natale de Ronsard, une rosacée.

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